Certes plus complexe que la clause bénéficiaire classique, la clause bénéficiaire démembrée d’un contrat d’assurance vie a un fort intérêt patrimonial. Elle permet de réaliser une double transmission, pour répondre aux intérêts, à la fois de l’usufruitier, souvent le conjoint, en lui attribuant l’usufruit, tout en préparant la transmission en faveur des nus-propriétaires, souvent les enfants. Zoom sur cette clause parfois méconnue qui peut s’imposer comme une solution adaptée à la protection de l’usufruitier et à l’optimisation de la transmission en faveur du(des) nu(s) propriétaire(s).
Comment fonctionne le démembrement de la clause bénéficiaire en assurance vie ?
Le fait de démembrer la clause bénéficiaire revient à scinder les droits sur le capital, avec d’un côté l’usufruitier et de l’autre le(s) nu(s)-propriétaire(s). Le démembrement de la clause bénéficiaire permet d’organiser la transmission du capital décès en 2 étapes, le plus souvent entre le conjoint usufruitier et le(s) enfant(s) nu(s)-propriétaire(s). Elle permet de protéger financièrement l’usufruitier et d’anticiper la transmission en faveur du(des) nu(s)-propriétaire(s). En présence de patrimoine important, elle a également un intérêt fiscal.
Qu’est-ce que la clause bénéficiaire d’une assurance vie ?
L’assurance vie permet de transmettre à son décès un capital à 1 ou plusieurs bénéficiaires désignés. L’expertise d’un professionnel du patrimoine peut être essentielle pour vous accompagner car seule une clause bénéficiaire rédigée avec soin et faisant l’objet d’un suivi régulier permettra de vous assurer que votre volonté sera respectée et vos proches protégés. La clause bénéficiaire peut être modifiée à tout moment sauf en présence d’un bénéficiaire acceptant.
Les droits de l’usufruitier et du (des)nu(s)-propriétaire(s)
Dans le cadre d’une clause bénéficiaire démembrée, il s'agit de désigner, de son vivant, dans un contrat d'assurance vie, 1 ou des bénéficiaires en usufruit et 1 ou des bénéficiaires en nue-propriété.
En fonction de la rédaction de la clause, les capitaux décès seront versés, nets de fiscalité dus par le(s) nu(s)-propriétaire(s) et le cas échéant par l’usufruitier :
- soit en quasi-usufruit à l’usufruitier seul qui aura la libre disposition des sommes, les nus-propriétaires disposant dans ce cas d’une créance de restitution récupérable au décès de l’usufruitier. La créance de restitution des nus-propriétaires sera déductible, sans fiscalité, de l’actif successoral de l’usufruitier.
- soit sur un compte démembré entre l’usufruitier et le(s) nu(s)-propriétaire(s), afin d’être utilisé à titre de remploi sur un bien démembré entre l’usufruitier et le(s) nu(s) propriétaire(s) (bien immobilier, contrat de capitalisation, ...). Au décès de l’usufruitier, le bien démembré sera transmis en pleine propriété au(x) nu(s)-propriétaire(s) qui en deviendront plein(s) propriétaire(s), sans paiement de droits supplémentaires.
Quand peut intervenir le démembrement d’une clause bénéficiaire ?
Le démembrement de la clause bénéficiaire peut se faire à tout moment. Il peut être prévu dès la souscription du contrat d’assurance vie. Il peut aussi intervenir en cours de vie du contrat par voie d’avenant, par acte sous seing privé ou par acte authentique devant notaire.
Pourquoi procéder au démembrement de la clause bénéficiaire ?
Optimiser la transmission des capitaux décès
Démembrer la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie peut être envisagé en présence de patrimoines importants en vue de :
- Protéger un conjoint ou un partenaire de pacs sans léser les enfants en désignant le conjoint ou le partenaire de pacs usufruitier et les enfants nus-propriétaires.
- Optimiser la transmission sur plusieurs générations en nommant 1 enfant usufruitier et 1 ou des petits-enfants nus-propriétaires. Il est important de bien analyser en amont sa situation patrimoniale et familiale ainsi que ses objectifs avec un professionnel du patrimoine, avant la rédaction d’une clause bénéficiaire démembrée.
Optimiser la fiscalité de l’assurance vie et la fiscalité successorale
Le quasi-usufruit s’exercera sur le montant du capital après tous prélèvements fiscaux et sociaux effectués, le cas échéant, par l’assureur. Ce montant net constituera également la créance de restitution due au(x) nu(s)-propriétaire(s) au terme de l’usufruit.
Au décès de l’usufruitier, le(s) nu(s) propriétaire(s) récupère(nt) la créance de restitution (clause démembrée avec quasi-usufruit) ou le bien démembré (clause démembrée avec remploi) sans fiscalité supplémentaire.
Quelle est la fiscalité du démembrement d’une assurance vie ?
L‘assiette taxable pour l’usufruitier et le(s) nu(s) propriétaire(s) est déterminée conformément à l’article 669 du Code général des impôts (CGI), en fonction de l’âge de l’usufruitier au moment du dénouement du contrat d’assurance vie.
Âge de l'usufruitier | Valeur de la nue-propriété | Valeur de l'usufruit |
---|---|---|
Moins de 20 ans | 10 % | 90 % |
Entre 21 et 30 ans | 20 % | 80 % |
Entre 31 et 40 ans | 30 % | 70 % |
Entre 41 et 50 ans | 40 % | 60 % |
Entre 51 et 60 ans | 50 % | 50 % |
Entre 61 et 70 ans | 60 % | 40 % |
Entre 71 et 80 ans | 70 % | 30 % |
Entre 81 et 90 ans | 80 % | 20 % |
Plus de 91 ans | 90 % | 10 % |
Par exemple, si le conjoint survivant (ou tout autre usufruitier désigné dans la clause bénéficiaire) a 75 ans au décès de l’adhérent, la valeur de l’usufruit équivaudra alors à 30 % de la pleine propriété. La nue-propriété sera de 70 %. Concrètement pour un capital décès de 100 000 € transmis à un usufruitier et à un seul nu-propriétaire, l’usufruitier sera imposé sur une quote-part de 30 000 € (duquel sera déduit l’abattement spécifique à l’assurance vie) et le nu-propriétaire sera imposé sur une quote-part de 70 000 € (duquel sera déduit l’abattement spécifique à l’assurance vie).
Avant ou après 70 ans
La fiscalité d’une assurance vie diffère selon que les primes ont été versées avant ou après 70 ans par l’assuré.
FISCALITE APPLICABLE AUX PRIMES VERSEES AVANT 70 ANS
Chaque bénéficiaire a droit à un abattement de 152 500 € sur sa part du capital. Il est ainsi taxé à hauteur de :
- 20 % sur le capital transmis entre 152 500 € et 852 500 €,
- 31,25 % sur le capital transmis au-delà de 852 000 €.
Dans le cadre d’une clause bénéficiaire démembrée, la fiscalité est déterminée par coupe usufruitier/nu-propriétaire. Il y a autant de couples qu’il y a de nus-propriétaires. Par exemple, si le conjoint est désigné usufruitier et les 2 enfants nus-propriétaires, il y aura 2 couples usufruitiers nus-propriétaires : un 1er couple composé du conjoint et du 1er enfant et un 2nd couple composé du conjoint et du 2e enfant.
Le nu-propriétaire et l’usufruitier sont considérés pour l’application de l’abattement de 152 500 € comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant selon le barème prévu à l’article 669 du CGI (d’après l’âge de l’usufruitier lors du décès de l’assuré), même si le conjoint est un bénéficiaire exonéré. Ainsi, si la nue-propriété vaut 60 %, le nu-propriétaire bénéficiera d’un abattement de : 60 % X 152 500 € = 91 500 €.
FISCALITE APPLICABLE AUX PRIMES VERSEES APRES 70 ANS
Conformément aux dispositions de l’article 757B du CGI, les primes versées sont imposées au barème des droits de succession, après un abattement global (tous bénéficiaires confondus) de 30 500 €. La plus-value est exonérée de fiscalité.
Dans le cadre d’une clause bénéficiaire démembrée, l’abattement de 30 500 € est réparti entre les bénéficiaires taxables. Si un bénéficiaire est exonéré, comme le conjoint, l’abattement est réparti entre les bénéficiaires taxables.
Dans tous les cas, des prélèvements sociaux sont dus sur les capitaux décès d’un contrat d’assurance vie.
Quelles sont les précautions à prendre pour procéder au démembrement de la clause bénéficiaire ?
Vous êtes libre de rédiger la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie comme vous le souhaitez. Néanmoins, dans le cadre d’une clause démembrée, il convient de se faire accompagner par un expert patrimonial qui pourra analyser votre contexte patrimonial et familial ainsi que vos objectifs de transmission et d’optimisation.
Démembrement de la clause bénéficiaire : Les points d’attention
Dans le cadre d’une clause bénéficiaire démembrée avec quasi-usufruit, l’intégralité des capitaux décès, le cas échéant nets de fiscalité et de prélèvements sociaux, est versée à l’usufruitier qui en a la libre disposition. Les nus-propriétaires ne perçoivent aucun capital au décès du souscripteur les ayant désignés bénéficiaires. Ils ne détiennent qu’une créance de restitution, à faire valoir sur la succession de l’usufruitier.
Il existe un risque, pour le(s) nu(s)-propriétaire(s), de ne pas pouvoir récupérer cette créance de restitution, si l’actif successoral de l’usufruitier est nul ou ne permet pas de récupérer en intégralité la créance. Afin de palier cela, le souscripteur du contrat d’assurance vie peut, dans la clause bénéficiaire, obliger l’usufruitier à fournir une caution au(x) nu(s)-propriétaire(s).
Le choix d’une clause démembrée avec remploi sur un actif démembré aux noms de l’usufruitier et du(des) nu(s)-propriétaire(s) peut également assurer le(s) nu(s)-propriétaire(s) de récupérer le bien démembré en pleine propriété, au décès de l’usufruitier.
Par ailleurs, en présence de familles recomposées, il convient d’être prudent car si l’usufruitier et le(s) nu(s) propriétaire(s) sont proches en âge, il existe un risque que le(s) nu(s) propriétaire(s) ne puisse(nt) pas récupérer la créance de restitution de leur vivant. Un risque de mésentente peut également survenir entre l’usufruitier et le(s) nu(s) propriétaire(s).
Il est donc important, dans le cadre de la mise en place d’une clause démembrée, de se faire accompagner d’un expert patrimonial qui pourra étudier avec vous vos objectifs, en prenant en compte votre situation patrimoniale et familiale.